mardi 15 décembre 2009

La Route (The Road), ou comment foirer un film

S'il est un livre qui n'a aucune musicalité, aucune mélodie dans l'enchaînement des mots, c'est bien La Route (The Road).
Son style minimaliste, haché menu, saccadé, bref et lourd comme une sentence de mort possède un rythme, une cadence, et rien d'autre : tambour syncopé pour décrire le monde agonisant dans l'horreur barbare ; un battement binaire pour les cœurs des personnages centraux, le père et le fils. C'est sa seule musique, un squelette de musique, sans chair autour.
La Route - le film - nous propose de belles images grises, sales et cadavériques, telles que les évoque le bouquin. Mais la musique ajoutée ! Quelle erreur ! Du caramel sur le squelette !
Les notes de piano gentillettes démentent - démontent - complètement le visuel. Le pathos est atrocement imposé, ce qui se traduit par un retrait du spectateur devant cette contradiction. On n'est pas dedans, on ne peut pas être dedans. L'ambiance est légère la plupart du temps, car la musique le demande. "Attention, le gamin crève de faim mais le piano gnan-gnan nous dit que c'est pas si grave, c'est beau la souffrance et de toute façon ce n'est qu'un film et vous êtes dans un cinéma au chaud la panse pleine".
La musique, c'est comme une voix off. Elle n'est pas toujours nécessaire, et parfois elle dit n'importe quoi, ou se contente de nous décrire l'évidence, au risque de nous agacer.
Film merdique, donc, et pourtant ! Si on en enlevait TOUTE la musique, pour ne laisser qu'une trame sonore minimaliste - bruits de boue sous les pieds, craquements des arbres, grondement du feu, cris atroces dans la nuit, toux rauques, reniflements, gémissements, silences immenses comme les paysages - ce film prendrait une autre dimension. Comme le livre.

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