jeudi 24 décembre 2009

CO2 : le retour des Indulgences

Depuis quelque temps, en cette époque fumeuse d'enjeux climatiques (enjeux pour les deux camps... je vous laisse le soin de situer la fumisterie, soit du côté des climato-sceptiques, soit des pro-GIEC...), on peut trouver sur internet des organismes qui vendent en ligne des "certificats de compensation carbone", alias "crédits- carbone", aux particuliers (comme vous et moi) qui ressentiraient un malaise de type dissonance cognitive entre ce qu'ils prêchent et ce qu'ils font.

Caveat lector (fais gaffe, l'internaute !) : je ne remets pas en cause la pertinence d'un tel système de compensation. Comme l'écrit l'un des sites que j'ai visités : " Mieux vaut réduire ses émissions de CO2. Mais pour les émissions qui restent : faut-il ne rien faire du tout ? "
Bien sûr, vu comme ça.
Mais c'est difficile de ne pas faire le parallèle entre cette pratique de rachat de la pollution physique qu'implique notre "humble" existence sur Terre, et le système des Indulgences (rachat de la pollution morale).
Pour rappel : dans l'Église catholique romaine, l’indulgence (du latin indulgere, « accorder ») est la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine temporelle encourue en raison d'un péché déjà pardonné (réf. Wikipédia:Indulgence).

Quand on voit ça :


et ça (certificat d'indulgence accordée en 1521) :


on ne peut pas s'empêcher trouver des airs de famille à ces deux façons "d'absoudre" un comportement "moralement" condamnable (voir Wikipedia:Morale).

Mais bon, il fallait bien faire quelque chose. À tout problème, il y a une solution. Du moins, une justification, une pirouette sémantique.
Les organismes qui récoltent l'argent pour notre paix morale l'utilisent, disent-ils, pour financer des actions concrètes de lutte contre les émissions de CO2 : reboisement, ingénierie, transport etc.
Bien ! Bravo !
Mais alors, qu'elle est la différence entre ça et la notion classique de "don" qu'on connaît depuis longtemps ? Ceux qui font un don à Médecins Sans Frontières reçoivent-ils un certificat attestant qu'ils ont sauvé un, deux ou trois enfants et demi ? Comparaison vaseuse, je l'admets. Vaseuse car les donateurs "classiques", même si la culpabilité les motive peut-être un peu, n'ont certainement pas l'impression de racheter la mort d'un enfant par la survie d'un autre. Alors que pour les "compensations carbone", on calcule ce qu'ON rejette et ON rachète ce qu'ON estime être de trop. Y a des maths, là-dedans. Comme pour les indulgences, avec leurs listes d'épicerie et leur "valeur de marché". On faisait des crasses, on évaluait quelle bonne action pouvait les compenser, et on payait le prix estimé de cette "charité" plutôt que de vraiment la faire.

Enfin, ce qui m'embête le plus : admettons que les gens prennent ce système à cœur, c'est à dire que tous payent vraiment de quoi faire baisser leur "bilan carbone" quand leurs émissions sont à la hausse, alors on se retrouve avec une sorte de bilan comptable où le passif (les tonnes émises), aussi concret que peux l'être un tas de charbon huileux, se trouve balancé par un actif (achat de compensations) qui, lui, reste hypothétique, intangible, comme une promesse de politicien.
Mon voisin achète un gros 4x4 et en contrepartie il finance la plantation de cent arbres. Mais les arbres, ça prend du temps à pousser, ça peut crever (à cause de la pollution), ça peut être coupé vingt ans plus tard par un marchand de papier etc., alors que les 50 tonnes de CO2 pétées par le 4x4 sont bel et bien là-haut, dans l'atmosphère.
Et comme la population mondiale, dans son ensemble, a tendance à s'enrichir (EN MOYENNE) grâce à la sacrosainte croissance économique, et que cette richesse matérielle ne prend son sens que dans la consommation, donc dans la production, donc dans la consomption de ressources fossiles (c'est pas demain la veille que 100% de la croissance se fera sur des énergies non émettrices), le décalage entre les émissions de plus en plus abondantes de G.E.S. et les actions "physiques" nécessaires à les compenser ne cessera d'augmenter... ce qui faussera la donne, un peu comme une bulle financière ou immobilière, jusqu'à la rupture soudaine du montage virtuel, quand on découvrira que les effets pernicieux de ce système d'indulgences seront peut-être supérieurs à ses effets vertueux.

Quelques exemples de paniers d'achat de tonnes de carbone (à stocker dans son jardin) :

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