dimanche 13 décembre 2009

Il faut sauver le soldat Planète !!

S'il y a une expression qui me déglingue au plus haut point, c'est bien celle-ci : SAUVONS LA PLANÈTE !
Quand on voit cette phrase sur :
- des sacs réutilisables de magasins de fringues,
- des pubs vantant le mérite écologique de barres de céréales "bios",
- des descriptions de campagnes "super cools" genre "ramassage de bouchons de tubes de dentifrice pour les mettre dans une cuve qui sera exposée dans un centre commercial" pour "sensibiliser" le monde à l'importance de SAUVER LA PLANÈTE,
- et d'autres trucs aussi idiots, mercantiles et hypocrites,
on se dit qu'on est mal barré. Ou pour le moins que le barreur n'a rien compris à rien, et que le bateau va tourner en rond jusqu'à épuisement.

Il n'y a rien de plus... prétentieux, stupide, ou carrément cynique que cette expression.
Ou alors c'est que les gens sont vraiment aussi ignorants du monde que l'étaient leurs ancêtres lointains. Ils se croient en dehors, dans une espèce de sphère divine intouchable.
La planète n'en a rien à foutre de l'écologie et des autocollants sur les pare-brise pour la sauver. La planète, ce n'est pas Willy, ni un club de foot. Ni le soldat d'un film à gros budget. La planète, c'est une grosse boule de roche qui pèse grosso modo six mille milliards de milliard de tonnes, qui est recouverte d'une très très mince pellicule d'air, d'eau, de vie - la biosphère, qu'on peut imaginer comme une couche de moisissure sur un rocher, sauf que l'échelle donnerait plutôt une couche d'un millimètre (un rognure d'ongle) sur un roc de la taille d'un camion, avec des humains gros comme des microbes.
Cette pellicule est fragile, extrêmement fragile, et à tout moment - à l'échelle cosmique du temps - elle pourrait être soufflée et évaporée comme un flocon de neige devant un feu de forêt. Ce n'est pas arrivé depuis la genèse de la Terre, c'est pour cela qu'on est là, coincé entre deux mondes - la roche sans vie et le vide atrocement glacial de l'espace. Comme des têtards dans une flaque d'eau, en pleine cagne l'été, sans rivière à des kilomètres à la ronde, sur un chemin craquelé de sécheresse.
Imaginez les têtards dire : "Sauvons la flaque d'eau" avec autant de conviction que ceux qui parlent d'écologie parce que c'est la mode et qui l'instant d'après s'intéressent beaucoup plus aux ragots "people" - eh oui, le lifting de Paris Hilton est assurément plus critique que l'avenir de l'humanité. "Oh le rabat-joie ! On peut bien s'amuser et prendre plaisir à la vie", me direz-vous. Oui, bien sûr. C'est la somme de ces milliards de plaisirs, de ces milliards de petits "je m'en fous" qui appesantit les civilisations quand le radeau fuit alors qu'il va peut-être falloir nager...

SAUVONS L'HUMANITÉ, devrait-on dire.
Car la "planète" n'existe pas. Pas plus que la route n'est le voyageur. Le pire - le plus vexant, peut-être - c'est que l'humanité n'est même pas en mesure de faire disparaître la vie de ce roc perdu. Elle s'accroche, la vie. Des catastrophes MAJEURES l'ont mise à mal, mais ça a redémarré, au bout du compte. Au prix d'extinctions massives.
On n'en est pas là. Et l'humanité ne disparaîtra pas si vite que ça, même si le climat devenait moins clément pour elle pendant quelques millénaires.
Le devenir de l'espèce humaine est celui de toute espèce : s'éteindre naturellement ou violemment. SAUF.... sauf si elle est vraiment intelligente. Sa SEULE chance serait de se disséminer dans l'univers. Mais pour cela il faut une civilisation technologique de plus en plus avancée, et en même temps des ressources énergétiques massives et contrôlables, et l'envie de le faire. Avoir les moyens et être visionnaire.
Le possible réchauffement climatique me permet de douter des chances de l'humanité de quitter son berceau - sa planète, celle qu'il "faut sauver" pendant les pubs d'un Reality Show.
Quand on voit l'impact global du moindre tressautement économique, d'un misérable virus de grippe, et l'ahurissante faculté qu'on a de ne pas savoir tirer des leçons du passé, ça laisse perplexe. On bouffe des ressources à gogo, pour ... rien !! Non, pas pour rien : pour se reproduire et consommer, sans but autre que personnel, sans vision globale sinon la cupidité des transnationales. Bouffons les noix de cocos à s'en faire péter la panse, brûlons les cocotiers pour chauffer la plage pendant qu'on danse, le soir, tuons toutes les chèvres pleines même si ce sont les dernières et oublions que nous sommes sur une île. Faut pas penser "négatif".
Une humanité affaiblie, avec une énergie de plus en plus chère, et une vision aussi étroite que celle de singes savants - les religions, la superstition, l'incompréhension et surtout l'incapacité totale de penser à long terme - et voilà une espèce qui a atteint ses limites, et des générations à venir qui se diront "a-t-on loupé quelque chose ?" et qui perdront leur temps et leurs forces à s'adapter à la planète changeante alors que cette étape aurait dû être franchie depuis des millénaires.
Si Colomb avait laissé le feu brûler les voiles, ou les rats ronger les mats à mi-chemin de son périple, ou regardé sans rien faire son équipage s'engraisser et s'entre-tuer, aurait-il accosté le nouveau monde?
Ceux qui pensent que l'humanité saura faire face le moment venu, qu'elle s'est toujours adaptée et qu'elle sortira plus forte de la crise, ceux-là sont horriblement optimistes, résolument aveugles, et leur déni n'a d'égal que leur nombrilisme. Ils balancent ces idées - on s'adaptera - en sachant bien qu'ils ne seront plus là dans cent, cinq cents ou cinq mille ans, quand les choix actuels auront - peut-être- compromis définitivement l'avenir de ces milliards d'humains à naître et qui, avec trois puits de pétrole en héritage, cinq centrales à bois comme technologie de pointe et un environnement lessivé jusqu'à l'os, devront " s'adapter" avec ce génie que leurs ancêtres n'ont pas été fichu d'avoir mais dont eux seront supposés faire preuve.
De plus, l'humanité "moderne" n'a jamais traversé de crises qui remettraient en cause son existence. Jamais. Elle est très jeune. Elle se croit éternelle : c'est un non-sens. Mais l'humanité peut être insensée, c'est sa force, et ça peut être son ultime faiblesse.


1 commentaire:

  1. Vision bien pessimiste... ou plutot lucide ? Oui moi aussi je trouve ridicule qu'on se propose de "sauver la planète" alors qu'on est assis sur la branche du mauvais côté...

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